Nous recevions ce matin en audition à la commission des affaires économiques du Sénat, François Bayrou, Haut-commissaire au Plan. Il est venu nous présenter les conclusions de ses premiers travaux consacrés à la crise sanitaire. Et il a décidé de traiter la Covid sous un angle nouveau « Et si la Covid durait ? », l’échange fut intéressant.


Clairement on l’a vu ces derniers jours, le gouvernement est pris par l’urgence, il n’agit plus, il réagit. C’est une grave erreur, car les Français ont l’impression que le pilote n’est pas aux commandes mais assis à côté d’eux en cabine et ils doutent légitimement de ses choix. Alors que la nécessité du confinement fait quasiment l’unanimité dans la classe politique, - et j’assume pleinement mon vote en sa faveur malgré les conséquences économiques pour les entrepreneurs et commerçants dont je suis - la mise en œuvre des mesures restrictives fait polémique tant leur déploiement est laborieux. Le matin on ferme les librairies, la journée on vend des livres en supermarché, le soir on condamne les rayons culturels et on aura entendu, toute la journée, dans tous les médias, des politiques balbutier et des commentateurs fustiger. On annonce la fermeture des salons de coiffure mais on autorise les coiffeurs à domicile, et puis finalement on les interdit. Idem pour les esthéticiennes ou les coachs sportifs. Et sur les ondes on aura entendu des professionnels en colère, et on partagera à notre tour cette colère devant l’injustice.


Cela pourrait être anecdotique comme exemples mais cette cacophonie est généralisée et nuit à l’efficacité de l’adhésion à la politique de confinement, et sans adhésion des Français, c’est la confiance même en une capacité de sortie de crise qui est entamée. Comment Jean Castex, qui a été connu du grand public comme le « Monsieur Déconfinement » peut-il être aussi flottant dans la prise de décision de ce nouveau confinement ?


Et c’est là où la vision et le discours de François Bayrou sur le sujet sont intéressantes, car il prend de la hauteur et prépare le long terme. Je ne suis pas un grand partisan de François Bayrou, vous le savez bien, mais j’apprécie en l’espèce la philosophie développée. Parce que oui, et si la Covid durait encore des années, dans quel monde voudrions-nous vivre ? C’est assez singulier de réfléchir aux conséquences d’une crise sanitaire qui s’installe mais c’est très sain, car c’est aussi en envisageant des perspectives pessimistes que nous pourrons dessiner l’avenir et les conditions les plus épanouissantes pour les Français.


Comment dessiner l’avenir dans une société qui ne peut plus être fondée sur la civilité et les échanges ? Comment nous adapter pour garder notre humanité ? Autant de questions qui donnent le vertige mais auxquelles il faut trouver une solution.


Nous ne pouvons pas accepter par exemple que les personnes les plus vulnérables, parmi lesquelles se trouvent nos aînés, soient isolées, abandonnées parce que la distance physique devient une norme. La réduction drastique des relations interpersonnelles est porteuse de menaces sur la cohésion sociale. Et le plan anti-solitude proposé par le Haut-commissariat au plan est opportun. Ce n’est pas accessoire, ce n’est pas anecdotique. La lutte contre la solitude sera un pan important des mesures à mettre en œuvre, au même titre que le déploiement sur tous les territoires du numérique ou la redéfinition de l’aménagement du territoire. 


Nous allons peut être vers une nouvelle façon de travailler, de produire, de consommer, de vivre en somme. Tout est à penser, tout est à construire, ouvrons le champ des possibles.